Fiscalité de l’apport-cession (article 150-0 B ter du CGI)

📝 Modifié le 09/05/2024 | Par Didier Majerowiez (Avocat)

L’apport-cession est une technique d’optimisation qui est souvent utilisée dans le cadre d’une cession d’une activité professionnelle. La fiscalité de l’apport-cession est spécifique.

D’un point de vue fiscal, le régime de l’apport-cession est prévu à l’article 150-0 B ter du code général des impôts.

Cette technique permet de bénéficier d’un report d’imposition lors de l’opération d’apport à une société contrôlée par l’apporteur.

La plus-value d’apport est effacée lors de la donation des titres reçus en contrepartie de l’apport (ou en cas de décès de l’apporteur).

En pratique, cette opération est assez simple à mettre en place.

Toutefois, si cette opération est réalisée dans un but principalement ou exclusivement fiscal, elle peut être remise en cause par l’administration fiscale sur le terrain de l’abus de droit (avec une pénalité pouvant atteindre 80% à la clé).

Cet article a pour objet de faire un point complet sur le traitement fiscal de l’apport-cession en France.

Fiscalité de l'apport cession via une holding

Le report d’imposition en cas d’apport-cession

L’article 150-0 B ter du code général des impôts précise le régime fiscal applicable à l’opération d’apport-cession.

En pratique, l’opération d’apport-cession se déroule en plusieurs étapes.

Tout d’abord, le chef d’entreprise, – qui souhaite céder les titres de sa société opérationnelle -, va constituer une holding soumise à l’impôt sur les sociétés.

Cette holding va être contrôlée par le chef d’entreprise, lequel va détenir avec son groupe familial (conjoint, ascendants, descendants, frères, soeurs) plus de 50% de son capital social, ou plus de 50% des droits de vote, ou assumer sa direction effective.

A noter que si la holding n’est pas contrôlée par le chef d’entreprise, la plus-value est alors placée en sursis d’imposition. Cela peut notamment être le cas pour les holding SCI.

Dans un deuxième temps, le chef d’entreprise va apporter les titres de la société opérationnelle, au sein de laquelle il travaille, à la holding ainsi constituée.

En principe, la plus-value d’apport est imposée comme une vente (application du prélèvement forfaitaire unique au taux global de 30%, ou sur option le barème progressif de l’impôt sur le revenu couplé aux prélèvements sociaux de 17,2%).

Or, conformément aux dispositions de l’article 150-0 B ter du code général des impôts, cette plus-value va être placée en report d’imposition.

Cela signifie que son imposition est cristallisée et reportée à plus tard.

Si l’apport est réalisé avec une soulte, il faut que celle-ci ne dépasse pas 10% de la valeur nominale des titres reçus en contrepartie de l’apport pour que le report d’imposition ne soit pas remis en cause.

Il existe trois situations dans lesquelles le report d’imposition peut être remis en cause :

  • En cas de cession par l’apporteur des titres remis en contrepartie de l’apport, ou en cas de rachat, remboursement, ou annulation de ces titres.
  • En cas de cession par la holding des titres qui lui ont été apportés dans un délai de trois ans à compter de la date de l’apport, sauf si la holding réinvestit dans les deux ans au moins 60% du prix de cession dans une activité opérationnelle ou les titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés exerçant une activité opérationnelle. La holding doit conserver pendant deux ans les biens ou titres objets de ce réinvestissement.
  • En cas de transfert du domicile fiscal de l’apporteur hors de France.

En pratique, sont exclus les réinvestissements effectués par la holding dans des activités de nature purement civile ou de gestion patrimoniale.

A noter qu’en cas de cession par la holding des titres apportés, elle peut le cas échéant bénéficier de l’exonération de la plus-value à long terme par application du régime fiscal des titres de participation.

Pour en bénéficier, il faut que les titres cédés aient été inscrits à l’actif du bilan de la holding depuis au moins deux ans.

S’appliquera toutefois une quote-part de frais et charges de 12% sur le montant brut de la plus-value de cession. Cela signifie que 88% du montant de la plus-value sera exonérée d’impôt sur les sociétés, ce qui est avantageux.

A noter que si la holding est soumise à l’impôt sur les sociétés, et que la filiale, – dont les titres lui ont été apportés -, est fiscalement translucide, cette dernière suivrait alors le régime d’imposition de la holding, à savoir l’impôt sur les sociétés.

La loi de finances pour 2024 a apporté quelques modifications au régime de l’apport-cession en cas de réinvestissement réalisé via une structure de capital-investissement.

Il est tout d’abord précisé que pour les cessions de titres (apportés à la société holding) qui ont été réalisées depuis le 1er janvier 2019, le réinvestissement de 60% du produit de cession peut prendre la forme d’une souscription de parts de FCPR, FCPI ou de SCR.

L’actif de ces organismes doit être constitué à 75% au moins de parts ou d’actions éligibles.

La loi de finances pour 2024 a modifié la composition du quota d’investissement de 75% en l’alignant, pour les FCPR et les FCPI, sur celle des fonds fiscaux (article 163 quinquies B du code général des impôts). Pour les SCR, l’actif doit respecter le quota qui conditionne l’exonération d’impôt sur les sociétés.

Les conséquences fiscales de l’opération d’apport-cession

Les plus-values qui bénéficient du report d’imposition ne sont pas immédiatement imposée.

L’imposition intervient l’année au cours de laquelle a lieu un évènement qui met fin au report d’imposition.

En pratique, ce sont les règles d’assiette et de taux applicables l’année de l’opération d’apport qui s’appliquent, même si l’imposition intervient ultérieurement.

Le taux d’imposition appliqué à la plus-value d’apport est donc celui qui était en vigueur l’année de l’apport.

Pour des titres apportés à une holding avant le 1er janvier 2018, le contribuable peut le cas échéant bénéficier de l’abattement de droit commun, ou l’abattement renforcé pour durée de détention, lors du calcul de la plus-value d’apport.

D’un point de vue déclaratif, et conformément à l’article 41 quatervicies de l’année III du code général des impôts, le contribuable doit mentionner le montant de la plus-value placée en report d’imposition dans sa déclaration spéciale des plus-values l’année de l’apport (déclaration n°2074-I).

Chaque année qui suit, le contribuable doit mentionner le montant de la plus-value en report dans sa déclaration de revenus.

Au titre de l’année au cours de l’année intervient l’évènement mettant fin au report d’imposition, le contribuable doit mentionner le montant de la plus-value sur sa déclaration de revenus, ainsi que sur la déclaration spéciale des plus-values.

En cas de donation des titres reçus en contrepartie de l’apport, la plus-value en report d’imposition est en principe imposable au nom du donataire.

Toutefois, la donation en pleine propriété ou en nue-propriété des titres reçus en contrepartie de l’apport efface la plus-value en report d’imposition si le donataire les conserve pendant au moins cinq ans.

Pour bien comprendre l’intérêt de l’opération d’apport-cession, prenons un exemple simple.

Un entrepreneur a constitué une SAS il y a 20 ans au capital de 150.000 euros. Il a un taux marginal d’imposition de 30%.

Il souhaite changer d’activité et acquérir un fonds de commerce évalué 800.000 euros.

Les titres de la SAS sont aujourd’hui valorisés 900.000 euros.

S’il cède les titres, il sera alors imposé sur la plus-value correspondant à la différence entre le prix de cession (900.000 euros) et le prix d’acquisition (150.000 euros), soit 750.000 euros.

Au prélèvement forfaitaire unique de 30%, – et sans prise en compte de l’éventuelle contribution sur les hauts revenus -, il serait alors imposé à hauteur de 225.000 euros (750.000 x 30%).

Il n’aurait alors plus qu’une somme de 675.000 euros disponible après impôt (900.000 – 225.000). Ce serait insuffisant pour acquérir le fonds de commerce valorisé à 800.000 euros.

Au barème progressif de l’impôt sur le revenu, – et sans prise en compte de l’éventuelle contribution sur les hauts revenus -, compte tenu de l’abattement renforcé pour durée de détention de 85%, la somme disponible serait un peu plus élevée :

Impôt sur le revenu : (750.000 – 85%) x 30% : 33.750 euros.

Prélèvements sociaux : 750.000 x 17,2% : 129.000 euros.

Total de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux : 162.750 euros (33.750 + 129.000).

Dans ce cas, le chef d’entreprise aurait une somme disponible de 737.250 euros après impôt (900.000 – 162.750). Ce serait encore insuffisant pour acquérir le fonds de commerce de 800.000 euros.

Une solution pourrait consister à apporter les titres de la SAS à une holding soumise à l’impôt sur les sociétés et contrôlé par l’entrepreneur.

La plus-value d’apport de 900.000 euros sera alors placée de plein droit en report d’imposition.

Si la holding cède concomitamment les titres moyennant 900.000 euros, il n’y aurait pas de plus-value de cession (900.000 euros – 900.000 euros = 0 euro).

Le report d’imposition serait maintenu, puisque la holding réinvestirait au moins 60% du prix de cession dans l’acquisition d’une activité opérationnelle éligible. Elle devrait toutefois conserver ce réinvestissement pendant au moins deux ans.

Si l’entrepreneur donne ultérieurement les titres reçus en contrepartie de l’apport à ses enfants, la plus-value en report d’imposition serait purgée en cas de conservation des titres ainsi donnés pendant au moins 5 ans.

Cela permettrait ainsi d’optimiser l’opération sur un plan fiscal.

Bien entendu, pour échapper aux éventuelles critiques de l’administration fiscale face à un tel schéma, il ne faut pas que l’opération soit motivée par des considérations d’ordre exclusivement ou principalement fiscales.

Il est donc impératif de bien réfléchir aux tenants et aboutissants de l’opération, et de se faire accompagner par un avocat fiscaliste qui sera au fait des pièges et des risques de ce type de schéma.

Fiscalité de l'apport-cession

Foire aux questions

Qu’est-ce qu’un apport-cession ?

L’apport-cession est un mécanisme prévu par l’article 150-0 B ter du code général des impôts, qui permet de bénéficier d’une mise en report d’imposition de la plus-value constatée lors de l’opération d’apport de titres d’une société opérationnelle à une holding soumise à l’impôt sur les sociétés contrôlée par l’apporteur.

La holding va céder les titres apportés, sans que cela ne remette en cause le report d’imposition si certaines conditions sont remplies.

La holding va bénéficier d’une exonération de la plus-value de cession (en cas de cession concomitante à l’apport) ou le cas échéant bénéficier du régime fiscal favorable des titres de participation (exonération de la plus-value sous réserve d’une quote-part de frais et charges de 12%).

Du côté de l’apporteur, l’imposition de la plus-value d’apport sera effacée définitivement en cas de mutation à titre gratuit des titres reçus en contrepartie de l’apport, si le donataire les conserve pendant au moins cinq ans.

Quand prend fin le report d’imposition ?

La loi prévoit trois cas de figure qui mettent fin au report d’imposition.

Tout d’abord en cas de cession à titre onéreux des titres reçus en contrepartie de l’apport, ou en cas de rachat, de remboursement ou d’annulation de ces titres.

En second lieu en cas de cession par la holding des titres apportés avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de l’apport (sauf si certaines conditions sont remplies).

En troisième lieu en cas de transfert du domicile fiscal hors de France de l’apporteur.

Comment purger la plus-value en report d’imposition ?

En cas de donation ultérieure des titres reçus en contrepartie de l’apport, la plus-value en report d’imposition est alors effacée, si le donataire prend le soin de les conserver pendant au moins cinq ans.

Il importe peu à cet égard que la mutation à titre gratuit soit réalisée en pleine propriété ou en nue-propriété.

Vous souhaitez en savoir plus sur la fiscalité de l’apport-cession ?

Dans ce cas, n’hésitez pas à nous contacter. Nous sommes à votre disposition pour vous conseiller sur ce mécanisme particulièrement complexe et risqué.

Sources législatives et doctrinales


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L'auteur de cet article

Maître Didier MAJEROWIEZ est avocat fiscaliste au barreau de Paris. Il bénéficie de 20 ans d’expérience en droit fiscal, droit du patrimoine et droit des sociétés. Grâce à son expertise, il vous aide à comprendre et à décrypter les aspects complexes du droit et de la fiscalité.

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