Acte anormal de gestion : définition et sanction

📝 Modifié le 22/01/2024 | Par Didier Majerowiez (Fiscaliste)

La théorie de l’acte anormal de gestion ne fait pas l’objet de dispositions particulières dans le code général des impôts.

Il s’agit en effet d’une construction purement prétorienne.

A titre de règle de principe, il n’appartient pas à l’administration fiscale de s’immiscer dans la gestion des entreprises.

Le dirigeant d’une société est maitre de la gestion de son exploitation. C’est aux associés de contester, le cas échéant, les erreurs ou les fautes de gestion commises par le dirigeant.

En revanche, le dirigeant d’une société ne peut pas faire n’importe quoi, n’importe comment, et n’importe quand.

Comme l’impôt sur les sociétés est basé sur les résultats de la société, l’administration fiscale a un droit de regard sur telle ou telle décision de gestion, pour s’assurer que celle-ci est bien conforme à l’intérêt social.

Cet article a pour objet de faire un point sur la définition et les critères de l’acte anormal de gestion, ainsi que les conséquences et les sanctions encourues.

➡️🔴 Acte Anormal de Gestion : Définition et Conséquences Fiscales

Définition et critères de l’acte anormal de gestion

Comme mentionné ci-dessus, il n’appartient pas à l’administration fiscale de se prononcer sur l’opportunité d’une décision de gestion.

Elle n’a ni un rôle de contrôleur de gestion, ni, de manière plus générale, un rôle d’auditeur de la gestion d’une entreprise.

L’administration fiscale ne doit pas porter de jugement de valeur sur le niveau des résultats d’une société.

Cela ne signifie pas que l’exploitant peut faire tout et n’importe quoi en termes de gestion.

C’est là qu’intervient la théorie prétorienne de l’acte anormal de gestion.

En pratique, l’acte anormal de gestion suppose un appauvrissement contraire à l’intérêt de l’exploitation ; appauvrissement qui doit impérativement être intentionnel.

Dans un arrêt en date du 21 décembre 2018, le Conseil d’Etat a jugé que l’acte anormal de gestion est l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

Il convient donc qu’il y ait un appauvrissement de l’entreprise, et que cet appauvrissement soit intentionnel.

Autrement dit, si un dirigeant agit dans l’intérêt de l’entreprise, il n’y aurait pas d’acte anormal de gestion, et ce, même si l’opération aboutit à un appauvrissement imprévu.

Lorsqu’un acte entraine un appauvrissement intentionnel de l’entreprise, cela impacte en pratique son résultat fiscal, et par voie de conséquence le montant de l’impôt dû.

La théorie de l’acte anormal de gestion permet à l’administration de remettre en cause un manque à gagner intentionnel.

Cela étant, il sera fait observer que la gestion d’une entreprise peut ne pas générer de profits.

C’est donc à l’administration fiscale d’apporter la preuve, en cas de litige, du fait que l’entreprise ou la société contrôlée s’est appauvrie intentionnellement, et sans aucune contrepartie.

Si l’erreur ou la faute de gestion commise est non-intentionnelle, elle ne peut être sanctionnée sur le terrain de l’acte anormal de gestion.

Il existe plusieurs types d’acte anormal de gestion : il peut notamment s’agir d’une charge qui est injustifiée, tant dans son principe, que dans son montant.

Il peut également s’agir d’un manque à gagner intentionnel et sans contrepartie, qui ne serait pas justifié par l’intérêt social.

Il peut ainsi y avoir un acte anormal de gestion dans l’hypothèse où une entreprise renoncerait à un profit de manière intentionnelle et sans justification (par exemple une location meublée gratuite, une remise d’honoraires, ou une avance sans intérêts).

Quoi qu’il en soit, c’est l’administration fiscale qui a la charge de la preuve du caractère anormal de l’acte de gestion accompli. Elle doit notamment établir que l’acte n’a pas de contrepartie suffisante pour l’exploitation.

Le contribuable peut établir de son côté que l’acte avait bien une contrepartie suffisante, et que le manque à gagner n’était pas intentionnel.

Cela étant, la théorie de l’acte anormal de gestion constitue aujourd’hui un garde-fou pour l’administration fiscale, laquelle est en droit de sanctionner les comportements anormaux et intentionnels dans la gestion d’une entreprise.

Elle ne sanctionnera toutefois pas (en principe) une gestion simplement téméraire ou hasardeuse.

acte anormal de gestion

Conséquences et sanctions d’un acte anormal de gestion

L’acte qualifié d’anormal est inopposable à l’administration fiscale.

En présence d’un acte anormal de gestion intentionnel, une double rectification est opérée par l’administration fiscale.

Tout d’abord, l’administration redresse l’auteur de l’acte anormal.

Ainsi, l’administration peut rehausser le bénéfice de l’entreprise du montant des charges indûment déduites, ou du montant du manque à gagner injustifié et délibéré.

Par exemple, si une entreprise a renoncé intentionnellement à un profit, l’administration peut réintégrer ce profit dans son résultat imposable, ce qui génère mécaniquement un rehaussement d’impôt. Ce rehaussement peut se cumuler avec des intérêts de retard et, le cas échéant, avec une pénalité de 40% pour manquement délibéré.

La même règle s’applique en matière de dépenses anormales : l’administration peut rejeter la déductibilité de la dépense et procéder à un rehaussement d’impôt qui peut être majoré d’intérêts de retard et de pénalités.

Du côté du bénéficiaire de l’acte anormal de gestion, il convient de faire une distinction selon que l’auteur de l’acte est une société soumise à l’impôt sur les sociétés ou non.

Lorsque l’auteur de l’acte anormal de gestion est une société soumise à l’impôt sur les sociétés, le bénéficiaire est alors imposé selon le régime des distributions irrégulières. Il est en effet réputé avoir perçu un bénéfice distribué.

Si l’auteur n’est pas une société soumise à l’impôt sur les sociétés, le bénéficiaire personne physique serait alors imposable sur l’avantage consenti à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

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Didier Majerowiez

L'auteur de cet article

Didier MAJEROWIEZ bénéficie de 20 années d’expérience en droit fiscal, droit du patrimoine et droit des sociétés. Dans ses articles sur Fiscaloo, il vous aide à comprendre et à décrypter les aspects complexes du droit et de la fiscalité. Les contenus qu'il partage ont une portée générale et un objectif exclusivement informatif.

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